A l’heure des conflits mondiaux, de la carence écologique, de l’anxiété généralisée, de l’ultra-visibilité des images, des surexpositions de soi, de la photographie de masse, des difficultés mondiales qui entrent dans nos vies, des circulations d’images, de la peinture au service de l’image photographique dans les œuvres d’art, de l’Intelligence artificielle présente de plus en plus et, également, dans la création : « Qu’en est-il de la place de l’homme notamment dans la création de l’œuvre d’art ? Qu’en est-il de la matérialité « corporelle, physique » et de « l’émotionnel sensible » dans la création contemporaine et dans sa réception ? » Il me semble que l’image surexposée et surinvestie à saturation peut nous faire perdre la densité physique et profonde du réel, de la nature et de soi, de la réalité spatio-temporelle et de la notion d’existence même de « corps ».
Je voudrais défendre la création dans ce « procès de l’image » par la matière de la peinture et par le corps de l’artiste. C’est une responsabilité que je porte dans mon travail sensible au moment où les avancées technologiques cherchent à aplatir cette densité humaine. Je cherche à mettre en avant la notion de corps pour « habiter » la création et donc du corps féminin, de la présence, du désir et de l’étendue avec des jeux narratifs faisant références à l’histoire de l’art de la peinture, de la céramique, de la mode etc., à ce qui me traverse sans hiérarchie (puisque le regard est ainsi fait dans sa dynamique vivante).
Quand je vais peindre, il y a cette urgence, se lever pour, se chausser souple, condenser cette énergie de l’instant. On entre dans la peinture, dès l’enfance, comme on entre en soi. On se retrouve sur le seuil, à chaque fois, dans le plaisir de ce qui viendra. C’est de cette nécessité que vient ma pratique artistique et également, de ce qui me constitue profondément en tant que femme, en tant qu’être au monde. C’est ma propre sensibilité, mon propre rapport à la féminité que je déploie et questionne. Je veux rendre un hommage fort à toutes les femmes, à celles qui ont façonné notre identité, notre regard et à celles que nous portons en nous.
Ma pratique est avant tout picturale et fonctionne par séries : Ces instants vulnérables (2016) constitue une série de portraits d’amitiés anciennes et profondes. Aussi, je continue depuis plusieurs années certaines séries : Les silencieuses (2023), Les Endormies (depuis 2014), Les Eveillées (depuis 2019), Les Histoires de femmes (depuis 2020). Au fur et à mesure, grandit en moi ce besoin d’espace et d’explorer une pratique du monumental avec, par exemple, un polyptyque de 9m x 180 cm (2020) ou celui « Quand viendront les jours indomptables » 6m x 2m, acquisition du Musée Paul- Dini.
@texte protégé, Florence Dussuyer